Première hypothèse

Les images racontent certaines choses dont l'effectivité est difficile à palper (le syndrome étant l'expression la plus démonstrative). Le fameux retour de la physicalité de l'image est d'ailleurs une fausse question, masquant la difficulté d'appréhender les images. L'intérêt pour ces phénomènes n'est-il pas soumis aux effets de mode ?

 

 

Marc Bembekoff : Je pense que la physicalité de l'art est toujours présente. Les artistes de Première hypothèse sont justement à la croisée de ces deux aspects. L'impact physique est bel et bien présent, mais le “Frozen Film” de Paul Sharits illustre aussi des pratiques intellectualisées du cinéma. Le fait que l'œuvre fasse écho à la musique sérielle lui apporte une toute autre dimension. 

L'intellectualisation des pratiques a donc toujours été là. Ce qui m'intéresse dans ce projet, c'est de dresser des parallèles ou de mettre en perspective des pratiques historiques avec une nouvelle garde d'artistes aux propos et pratiques intellectualisés.

 

Cette traversée des hiérarchies et des âges prend forme dans le travelling latéral d'un film, dont l'installation de Robert Breer s'inspire largement. L'artiste va même jusqu'à évoquer le principe du panorama, positionnant le mouvement dans les déplacements latéraux des visiteurs, lui permettant de découvrir des images personnelles positionnées dans les ouvertures. Des filiations inattendues ?

 

Tony Regazzoni : Il y a une jubilation et une frayeur dans les rapprochements historiques : jubilation de trouver une appartenance avec un cercle de pensées ; frayeur de tourner en rond, de reprendre les mêmes sujets et de recycler. J'ai été très surpris par la vidéo de yann beauvais en ce qu'il y avait quelque chose de daté, sans appartenir finalement à l'époque dont elle semble faire partie.

 

yann beauvais: ce genre de flicker film a une capacité plus immersive qu'hypnotique. J'aime beaucoup rejouer les moments de cette période des années 1970, comme par exemple les nombreuses collaborations de Brian Eno. Je m'amuse beaucoup des saturations auditives et visuelles, de ce kitsch très passé que je mélange à d'autres bruits, un peu comme ce qu'a fait Karlheinz Stockhausen.